Cavanna

 

Gonzesses, soyez fières de l'être

 

Bayrou qui picore des frites dans un collège à racketteurs en herbe, Balladur qui promène son costard-taille mince dans les profondeurs rurales, Chirac et sa bobonne suçant la pomme aux cousins d'Amérique devant une fanfare, déguisés en La Fayette de mardi gras... ça t'intéresse, vraiment ? Tiens, à propos de Chirac. Pourquoi se peigne-t-il de cette façon répugnante ? Trois poils tristes tracés à la pointe Bic sur son triste caillou... Ferait mieux de se laisser tondre rasibus, ça ferait moins sale. S'il devait faire la manche, le cul sur le trottoir, la seule vue de son vilain crâne découragerait l'âme charitable qui courrait vomir un peu plus loin. Pourquoi, mais pourquoi les hommes qui font dans la politique se croient-ils obligés d'adopter cette coupe de cheveux que ma maman, qui avait connu la guerre de Quatorze, appelait " à l'embusqué "? Tifs tirés en arrière, plaqués au crâne en ventre de mandoline... Une mode " Arts déco " disparue depuis les années 20, sauf chez les aspirants hommes d'Etat où elle est restée plus que jamais obligatoire. C'est pourquoi, vous ferai-je remarquer en passant, le petit Jospin tout bouclé n'a aucune chance chez nous... Passons. Les hommes politiques sont laids, la politique est morne. Et moi j'aimerais causer d'autre chose. De femmes, par exemple. Oh, oui ! Oh, oui ! Il y a quelques mois, souvenez-vous, nous avions touché un copieux arrivage de dames ministres. De ministresses, donc. Entre-temps, elles furent renvoyées, presque toutes, à leurs travaux d'aiguille. N'empêche, il en reste une ou deux, de ces ministresses. Ah, non ! Quoi ? Fi, le vilain mot ! Et d'abord, il contient une perfide intention minimisante. " Ministresse ", ça fait petite chose fragile, ça fait pas vraiment vrai, ça porte au sourire protecteur. Et pourquoi donc ? Parce que c'est féminin. Eh, mais, justement ! Accéder au gouvernement du pays n'est-il pas une des plus éclatantes conquêtes du féminisme ? Il faut marquer le coup, planter fièrement le drapeau ! S'affirmer ministresse avec panache, avec arrogance ! Oui, ben, va dire ça à une dame ministresse... Elles exigent d'être " Madame le Ministre " gros comme ces fesses somptueuses qu'elles espèrent cacher derrière la masculinité du titre. Quel aveu ! Elles ont conquis de haute lutte l'égalité avec les mâles, et tout le premier je m'en réjouis, mais en même temps elles ont comme honte de féminiser les mots qui marquent cette accession à l'égalité dans la fonction... Faudrait savoir. J'ai en tête ces innombrables procès devant la fameuse 17e chambre du tribunal correctionnel où, accusés, mes copains et moi-même devions nous adresser en ces termes à Mme Rozès, qui présidait : " Madame le Président,... " Grotesque. J'avoue n'avoir pas eu le réflexe de dire carrément " Madame la Présidente ". Il faut dire qu'on n'est pas très à l'aise, dans ces circonstances. Mais, objecte celui qui lève le doigt, l'usage veut que la présidente soit l'épouse du président. Ce mot, mis au féminin, marque la dépendance. Il est comme la laisse du toutou... Eh bien, changeons l'usage ! La reine est la femelle du roi, et ne règne pas. Généralement. Mais il arrive qu'elle règne. En tant que régente, par exemple. En tant qu'anglaise, autre exemple. Elle n'en reste pas moins " la Reine ", au féminin, et ne s'en estime pas humiliée pour autant. Elizabeth d'Angleterre, pas plus qu'en leur temps Blanche de Castille ou Catherine de Médicis, n'éprouve le besoin de se faire désigner comme " Sa Majesté le Roi ". Elle ne ressent nulle honte à ne pas trimbaler entre les cuisses un braquemart plus ou moins en état de marche flanqué de ses accessoires. J'oserai même suggérer qu'elle goûte une noble satisfaction à voir ces foules vibrantes acclamer les poils gris de son auguste fente... Et là où la reine donne l'exemple, la ministresse peut suivre sans déchoir. Mesdames, affirmez-vous femelles ! Fièrement ! Glorieusement ! Ne singez pas les mâles. En mettant vos titres au masculin, vous trahissez je ne sais quelle adhésion secrète au mythe de la supériorité du mâle. Quoi de plus vaseux, de plus chèvre-chou, de plus faux-cul que ces " femme-peintre ", " madame le chef de service ", " madame le docteur "... ? " Peintresse " vous resterait en travers du gosier ? " Cheffesse " prêterait aux rires gras ? " Doctoresse " vous fait pisser dans votre petite culotte ? Eh bien, inventez ! Les avocates semblent s'accommoder sans trop de tourments de leur féminin, il est seyant. Les pharmaciennes, les boulangères, les écuyères,... se portent bien. Les écrivaines, par contre, renâclent. Elles veulent être des " écrivains ". Ou des " auteurs ". Ou des " poètes " (pourtant, là, " poétesse " fut d'un usage courant jusqu'à il y a peu). Tout le monde ne peut pas choisir un métier hermaphrodite, comme " architecte " ou " urbaniste ", lesquels, évidemment, résolvent la difficulté en la supprimant. Ce féminisme militant qui, à force de dénigrer les mâles, en vient à les singer, a conduit à cette absurdité dans la flagornerie par quoi débute tout discours politique : " - Françaises, Français... " C'est de Gaulle, je crois, qui a inauguré le truc. Mais pourquoi pas, tout simplement, " Français " ? Les " Français ", c'est tout le monde. Tout le peuple de France, sans distinction de sexe, d'âge ou de ce que tu voudras... Encore un méfait de la dignité mal comprise ! Les citoyennes seraient-elles vraiment humiliées si on ne les sortait pas du lot ? Vont-elles se mettre à exiger que la différence soit marquée dans toutes les circonstances ? Par exemple, dans l'hymne national : " Aux armes, citoyennes et citoyens ! " Dans l'Histoire : " Autrefois, la France s'appelait la Gaule, ses habitantes et ses habitants étaient les Gauloises et les Gaulois... " Dans les faits divers : " Le tremblement de terre a tué deux mille femmes et hommes et laissé vingt mille citadines et citadins sans abri... " Et surtout - elles y tiennent ! - toujours citer le féminin avant le masculin. Egales, d'accord, mais galanterie pas morte.

- Pourrais-tu aimer une femme-flic ?

- Quelle horreur !

- Et une mignonne petite fliquesse ?

- Ah, là, hé hé...

- Tu vois à quoi tient ta conscience de classe ?

Ce sera tout pour aujourd'hui.

Cavanna